SABIL

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La visite s'ouvre par un passage obligé parmi les stands installés dans les tentes, au cœur de la pinède du domaine d'O. La librairie, incontournable, aligne poésies, essais, romans graphiques et littérature jeunesse, faisant face aux artisanats palestiniens et marocains. Premier voyage culturel, qui prolonge le plaisir de l'attente... avant de céder à la tentation des pâtisseries une fois l'étal en vue. Fous de musique, familles et professionnels se sont retrouvés comme à l'accoutumée, prêts pour un marathon de six heures de concerts, ponctués de tables rondes retraçant l'histoire de Rachid Taha à travers ses plus proches témoins. Particularité récurrente et précieuse qui en dit long sur l'esprit d'Arabesques : retrouver chaque année le directeur du festival et ses équipes, infatigables, sillonnant le site au plus près des visiteurs comme des artistes.

Le premier concert met en lumière le duo palestinien Sabil, accompagné sur scène - comme sur disque - du violoncelliste Vincent Segal (Bumcello, -M-, DJ Mehdi, Blackalicious, Vanessa Paradis...). Oud, percussions et violoncelle s'entrelacent avec une grâce rare, propulsant les répertoires classiques vers l'avenir dans la continuité des activités récurrentes des trois musiciens. Le début de soirée prend des allures suspendues, contemplatives ; à l'issue du set, il est d'ailleurs impossible d'en mesurer la durée réelle. Le théâtre Jean-Claude Carrière a vécu un rêve sonore, une poésie instrumentale qu'aucune parole n'aurait peut-être su égaler.

Une heure à peine plus tard, la même scène accueille l'Orchestre de la Casbah pour une création inédite. Récit musical du chaâbi algérois - ce « genre du peuple » comme le rappelle son nom en arabe -, le sextet enchaîne avec aisance et sourires. Premiers youyous, premiers élans des rangs qui abandonnent leurs sièges pour danser bras levés. Après plus d'une heure trente, l'orchestre invite Kamel El Harrachi à prolonger la fête. Fils de Dahmane, créateur du mythique Ya Rayah devenu hymne mondial grâce notamment à Rachid Taha, Kamel est venu honorer le répertoire paternel, dans ce festival qu'il affectionne. Le public exulte, chante en chœur les paroles originelles et atteste d'une transmission intergénérationnelle toujours vive.

La nuit tombée, cap sur l'amphithéâtre d'O pour un hommage en plein air à Rachid Taha : la dose de raï et de rock'n'roll parachève cette édition sous le signe des héritages et de la continuité. Le Couscous Clan, fondé du vivant de Rachid, poursuit aujourd'hui sa mission posthume : célébrer son œuvre, entre Elvis, punk et encore une fois Dahmane El Harrachi. Le son est impeccable, rock oriental porté par les guitares de Rodolphe Burger et Justin Adams (Juju, Robert Plant, Brian Eno, Sinéad O'Connor...). Hakim Hamadouche, fidèle compagnon, transcende sa mandole pour incarner un lead vocal habité, comme possédé par l'ami disparu. Yousra Mansour, lumineuse, insuffle aux standards une puissance féminine qui semble les avoir habités depuis toujours. L'amphi bascule en transe : Ya Rayah (deuxième de la soirée) et Rock the Casbah des Clash en sont les sommets. Clin d'œil idéal : Justin Adams partageait, avec Joe Strummer comme avec Rachid, le souvenir d'enfance d'expatrié : Finalement, tu dois revenir (ya Rayah).

L'image la plus forte de cet hommage se lira plus tard dans la nuit sur le visage de Rodolphe Burger croisé à l'hôtel, partageant ensemble notre impression d'avoir senti la présence de Rachid Taha à chaque instant de la soirée, murmurant son fameux « moi je suis Coran alternatif »."

Le festival Arabesques se poursuit jusqu'au 21 septembre avec notamment les concerts de Dhafer Youssef, Orange Blossom, l'Orchestre National de Barbès, le Comte de Bouderbala, Love & Revenge, Houria les Yeux Verts, Flèche Love ou encore Kabareh Cheikhats.

Report Live par Hervé Riesen

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