Nous avons rencontré Hollysiz avant son concert au festival Musilac !
Cécile : Vous allez devoir sacrifier le concert de Deep Purple, si vous voulez venir me voir, je le dis à tout le monde ! (rires)
Infoconcert : Vous revoilà en tournée après avoir fait danser énormément de salles de France en 2014. Que s'est-il passé après ?
Cécile : Déjà, j'ai dormi pendant très longtemps. Pendant deux ans, je n'avais pas dormi (rires) ! J'ai beaucoup voyagé, et ai pris le temps d'écrire ce deuxième album, en me remettant de toutes ces émotions. J'avais besoin de temps pour avoir des choses à dire. Raconter ce qui se passe dans un van n'intéresse pas grand monde. J'avais besoin de temps pour vivre. Ce deuxième album est sorti en janvier, et la tournée a repris en avril. Je pense que nous sommes repartis pour au moins une bonne année.
Infoconcert : Come Back to Me avait eu un grand succès. La réception de ce nouvel album se fait-elle de la même façon ?
Cécile : C'est très différent, on voit dans les salles que le public est très différent. Les gens qui paient leur place ne sont pas toujours les mêmes. Il y a beaucoup plus d'hommes qu'il y en avait sur la tournée précédente, par exemple. En presque cinq ans, l'industrie de la musique a beaucoup changé, le streaming a pris une place énorme. On se rend un peu plus compte de la manière dont les gens écoutent, et quels titres ils écoutent. Maintenant, on voit des titres qui ne sont pas obligatoirement des singles, sur lesquels les gens accrochent. J'ai été aussi très touchée par le fait que l'on parle enfin du fait que je suis auteur compositrice, ce qui n'était pas le cas sur le premier album, alors que je l'étais déjà. La meilleure récompense est de remplir des salles, d'être dans des festivals comme celui-ci, et de défendre l'album de partout.
Infoconcert : On se souvient, aux Vieilles Charrues, en 2014, vous vous êtes littéralement jetée dans le public. C'est quelque chose que l'on voit rarement, notamment chez les femmes. C'est une prise de risque, ou quelque chose d'impulsif ?
Cécile : J'en sais rien, je me souviens qu'aux Vieilles Charrues, c'était très naturel. Je ne l'ai pas souvent fait, mis à part au Ferrailleur à Nantes, une toute petite salle. Il faisait tellement chaud, c'était tellement punk, à un moment je me suis jetée dans les gens sans vraiment réfléchir (rires) !Aux Vieilles Charrues, il y avait une communion assez incroyable, ce festival nous a bouleversé, tous. Je l'ai refait à Beauregard il y a une semaine. On sent qu'on peut y aller. Véritablement, je n'y réfléchis jamais vraiment, c'est assez spontané. Je ne pense jamais au risque car je vois toujours les gens dans un festival comme étant une belle masse bienveillante.
Infoconcert : Les dates sont donc différentes ?
Cécile : Tous les soirs, elles sont différentes. Déjà, si l'on joue à 17h ou à minuit, ça n'a rien à voir. On a les lumières, parfois non, les gens ne sont pas forcément dans le même état. Tout dépend aussi de l'artiste qui a joué avant ou jouera après, ça change une énergie, ça change aussi le public qui est venu. C'est très différent, et particulièrement en festival. Dans les salles, on a quelque chose d'un peu cadré, on sait quel est le show que nous allons proposer. En festival, tous les jours, on adapte le set. Parfois les festivals nous imposent des sets très courts.
Infoconcert : En quelques années, on a vu un changement dans la scène musicale française. La langue française notamment, est débridée. C'est pourtant très important pour vous de chanter en anglais, non ?
Cécile : C'est peut être par pudeur. Au départ, j'habitais en Angleterre. Je ne savais pas si j'allais rentrer. J'aime énormément la manière dont les groupes qui sont arrivés ces dernières années jouent avec le français. Ils sont en train de dépoussiérer une manière d'écrire très française. C'est un peu comme le cinéma, je pense, il avait fallu mettre un coup de pied dans la Nouvelle Vague car nous avions du mal à nous en défaire. Je n'ai jamais fermé la porte au français, je pense que c'est la pudeur qui me retient. Je suis très admirative d'artistes qui sortent des albums à moitié en français et à moitié en anglais. Je pense par exemple à Christine and the Queens qui sort carrément deux titres en simultané, un en anglais et un en français. Faire sonner la même chanson dans deux langues est une réelle prouesse.
Infoconcert : Votre live joue sur une grosse mise en scène, et sur une interaction originale et communicative. Comment vient cette idée de mise en scène ?
Cécile : Dans la danse classique, on répète énormément les mouvements pour arriver à une certaine forme de perfection. Il faut qu'au moment où l'on danse, on ne sente pas le travail, ce qui demande justement beaucoup de travail. J'ai toujours en tête les shows de manière extrêmement millimétrée. Je travaille avec un créateur de lumière, qui est un génie. Il a créé les lumières de Mathieu Chedid, d'Emilie Simon, de Charlie Winston. On travaille ensemble et j'admire la manière dont il réfléchit. Je travaille aussi avec une scénographe appelée Emilie Léonard. On s'envoie des matières, des couleurs. On travaille énormément tous, en résidence, pour que l'on puisse ensuite exploser notre cadre. Si un soir, ça ne se passe pas comme prévu, on retombera sur nos pas d'une manière ou d'une autre. On a tellement accumulé de travail que l'on connait le show par coeur. J'adore le contact humain, donc quand les gens réagissent, c'est toujours très agréable. Ça crée des accidents, ça crée de la vie. C'est très important et rappelle aux gens qu'ils vont à un concert que les gens d'hier et de demain ne verront pas. Ça crée l'instant présent derrière lequel on court.
Infoconcert : Dans la création du dernier album, Rather than Taking, les musiques ont-elles été créées par rapport à ce qu'elles vont représenter sur scène ?
Cécile : Dans la production, nous nous sommes posés la question du live. On a accéléré certains morceaux car je me disais que sur scène ce serait bien. J'ai essayé de m'en défaire. Proposer le disque sur scène, je ne trouve pas ça généreux. On aime recréer tous les jours de nouvelles versions des chansons. Bien sur, avoir fait deux ans et demi de tournée a influencé ma manière de composer.
Infoconcert : Dans la musique Fox, on sent un réel amour de la culture américaine. Vos influences, de manière générale, se ressentent-elles sur cet album ?
Cécile : J'ai vécu un an à New York lorsque j'étais en train d'écrire. New York, c'est loin d'être les Etats-Unis. C'est une ville universelle, cosmopolite, complètement mélangée, inspirante, vibrante. J'ai passé du temps en Californie aussi. Je ne pourrais pas dire que les Etats-Unis transpirent dans cet album, ce serait comme dire que je suis allée à Paris et que je connais la France. J'aime la manière de se dire que tout est possible, ce que j'aime à New York. J'aime les mélanges de New York, et je suis très malheureuse de la politique qu'il y a là bas. C'est pour moi l'antithèse de ce que les Etats-Unis devraient être.
Interview par Sébastien Martinez