LIVE REPORT / Le Sziget Festival 2018 : on y était !
C'est sous un soleil de plomb et par une température de 34 degrés que les festivaliers ont pu profiter de l'ouverture de la 26ème édition du Sziget festival le mercredi 8 août à Budapest.
Venus des quatre coins de la planète, ils ont débarqué sur l'île bien décidés à communier tous ensemble dans la musique, et à régler les problèmes de lourdeur caniculaire à coup de pistolets à eau.
La responsabilité d'inaugurer les concerts de la scène principale du Sziget, la Dan Panaitescu Main Stage, a été confiée au groupe électro-pop Clean Bandit. Il est venu en force pour remplir cette mission, avec près de trois chanteuses au micro. Elles se sont tour à tour brillamment succédées pour reprendre les plus grands tubes du collectif, ouvrant sur Symphony pour clore sur Rather be, en passant par le tout autant attendu Rockabye.
Et quoi de mieux que de lancer cette 26ème édition par des envolées symphoniques rythmées par une pop enthousiaste ? L'éclectisme harmonique entre le violoncelle, le clavier, la batterie, et la musique électronique était renforcée par la pluralité des couleurs vocales des trois chanteuses, qui faisaient rapidement oublier les interprètes originales de renom.
L'ensemble conduisait à une ambiance bon enfant, dessinait un grand sourire sur les visages pailletés, bref : un échauffement idéal pour la suite des festivités.
Ce jour-là, en fin d'après-midi sur la Main stage, il y avait aussi Lykke Li. La chanteuse, auteure et compositrice suédoise s'était faite discrète ces quatre dernières années avant de sortir au mois de juin dernier un nouvel album, So Sad So Sexy.
Il faut avouer que le titre de ce dernier opus est plutôt raccord avec ce qui s'est déroulé sur scène. Si l'univers torturé et fantasmagorique de Lykke Li, dont la voix presque enfantine se pose sur des titres sombres, a quelque chose d'ordinaire très séduisant, peut-être n'était-ce pas le moment idéal pour se plonger dans une telle atmosphère.
La jeune femme n'était d'ailleurs pas dupe, lançant au public "Vous avez l'air de vous ennuyer, essayons de danser un peu". Sa chanson I follow rivers, rendue particulièrement célèbre par le remix de The Magician, sera en tout cas parvenue à remuer la foule et la faire chanter à l'unisson !
30 minutes. C'est le temps qu'il aura fallu attendre avant de voir débarquer sur scène l'une des têtes d'affiche les plus attendues de ce Sziget festival 2018, Kendrick Lamar. Et le retard, au Sziget, c'est plutôt rare, et il suscite d'autant plus d'attentes quant au spectacle qui s'apprête à être délivré sous nos yeux.
Pourtant il aura suffi au rappeur de surgir sur scène tel un boulet de canon sur son titre DNA pour que le feu prenne en quelques secondes auprès de la foule, semblant avoir passé l'éponge en un claquement de doigts sur l'attente.
Le plaisir d'entendre DAMN, le dernier album de l'artiste, débité dans un flow impeccable était bien là. Le rappeur californien, seul sur scène et dont les pieds étaient montés sur ressort, semblait avoir décidé de montrer qui était le patron devant une audience pourtant déjà préalablement convaincue.
Alors malgré les contrariétés du début, la communion a bien eu lieu grâce à l'enthousiasme sans retenu du public impatient, avide de se nourrir de la musique du rappeur. Il répondait présent tout autant pour les nouveaux titres de l'artiste comme ceux de son ancien répertoire, vociférant en chœur avec lui des messages engagés contre le racisme, rappelant le lien indéfectible et si précieux entre musique et valeurs humaines.
Pour la seconde journée sur le Sziget festival, les voix sont déjà un peu plus éraillées et l'absence de crème solaire dans la valise de certains festivaliers se devine facilement.
C'est encore une fois vers la Main stage que mes pas se dirigent pour ce jeudi, avec pour commencer le groupe d'électro-pop Oscar and the wolf.
Si les albums enregistrés en studio offraient déjà des moments fascinants, oscillant entre pop, soul, électro et r'n'b dans une atmosphère mélancolique et voluptueuse, c'est définitivement sur scène que la magie opère.
Il faut dire que Max Colombie, le chanteur de la formation, est d'une sensualité désarmante, et accompagne notre extase sage en ondulant dans la plus sincère et la plus parfaite des libertés.
La musique électro d'Oscar and the Wolf joue avec la fièvre de ses auditeurs. Elle les promène sur une cadence musicale raisonnable qui permet une désinhibition progressive, pour mieux les surprendre par des élans rythmiques beaucoup plus fougueux et propices au lâcher prise.
Quand le concert se termine, l'émotion du chanteur est palpable, tandis que c'est de la gratitude qui nous anime en bas de la scène. D'ailleurs, il faut le reconnaître, Oscar and the Wolf a parfaitement préparé au set suivant, celui du producteur anglais Bonobo.
Pour nous remettre tranquillement de nos émotions, Bonobo fait le choix de commencer dans le calme et l'apaisement. Mais comme le dit l'adage, méfiez-vous de l'eau qui dort. Bonobo fait une démonstration impeccable de ce qu'on appelle une montée en puissance, ce qui a pour conséquence une évolution de l'espèce digne de Darwin ! En effet, s'il est possible de faire le choix de suivre le début du concert allongé·e dans l'herbe éparse grâce à un tempo down paisible, les corps finissent par progressivement se relever à mesure que la musique se déploie, pour finir par s'abandonner pleinement aux basses enveloppantes.
Puis du Bonobo au gorille, il n'y a qu'un pas. Ou plutôt, qu'une grosse demi-heure.
S'il n'était pas particulièrement nécessaire d'être préparé·e pour le concert de Gorillaz, ses deux prédécesseurs sont parvenus à instaurer un état d'esprit idéal pour l'arrivée également très attendue de la clique de Damon Albarn.
Le chanteur de Blur se pose en chef d'orchestre d'un récital éclectique. Si les apparitions laissent plutôt place à de la musique rock et britpop, il laisse volontiers sa place à ses comparses pour des incursions hip hop ou même reggae. Les morceaux sont portés par des choristes d'une grande classe, qui apportent une dimension gospel qui ne manque pas de noblesse.
Gorillaz, quand on les observe sur cette grande scène où le visage cartoonesque imaginé par Jamie Hewlett surplombe la foule, c'est le déclic. On finit par comprendre qu'ils incarnent une célébration de la Musique, non seulement dans leur capacité à délivrer des titres authentiques, mais surtout en les offrant avec autant de simplicité et de sincérité.
Le troisième jour sur l'île marque le début des festivaliers échoués de fatigue un peu partout où il est possible de l'être. Mais la programmation aura rapidement ravivé la flamme.
Le groupe britannique The Kooks se voit offrir la Main stage en fin d'après-midi pour faire résonner la pop rock à Budapest. La formation menée par Luke Pritchard enchaîne les morceaux tendres et sautillants, soufflant un vent de légèreté sur l'île de la liberté.
The Kooks a bien compris l'esprit fédérateur impliqué par un festival, et célèbre les morceaux qui ont fait leur succès tels que Naive, She moves in her own way, ou Seaside, pour lequel la foule répond très volontiers présente à l'invitation formulée par le chanteur à entonner les paroles toutes en mélancolies et en douceur.
Trêve de délicatesse, la formation Parov Stelar, menée par le beatmaker Marcus Füreder, débarque à la suite du groupe anglais pour faire monter l'ambiance de deux ou trois crans et installer une ambiance volcanique.
L'osmose est parfaite entre le DJ, sa chanteuse au charisme implacable, et les cuivres qui viennent apporter une énergie redoutable, pour offrir un set d'électro-swing de près de deux heures.
Si la formation est une habituée du festival, ça n'est pas un hasard, tant elle parvient à soulever les masses, même celles qui est venue très tôt se placer devant pour assister à la prestation de Lana del Rey qui suit.
La programmation de cette édition 2018 du Sziget festival est astucieuse, à n'en pas douter. La preuve avec cette soirée du troisième jour.
Après avoir vidé des hectolitres de sueur, l'audience est tout simplement épuisée. C'est donc le moment idéal pour faire intervenir le romantisme un brin timoré de Lana del Rey.
L'artiste est venue interpréter des titres de son dernier album, Lust of life, et ses tubes emblématiques dans un dosage savamment pesé. Lana del Rey les délivre de sa voix gracile, montrant qu'il n'y a pas nécessairement besoin de faire dans la puissance vocale pour être une bonne chanteuse et procurer des émotions.
Ce qui est indubitable avec la chanteuse, c'est que les concerts sont pour elle un instant de rencontre et de partage avec son public. Souriante, affectueuse même, elle converse la foule, répond aux sollicitations spontanées de titres en offrant quelques couplets acapella, et prend plaisir à laisser les festivaliers s'occuper de ses refrains les plus connus.
Lana del Rey aura offert ce soir-là une parenthèse enchantée, cocon de calme, de douceur et d'introspection. Une pause opportune à mi-chemin du Sziget festival, qui permet de repartir pour la suite des festivités avec sérénité.
Report live par Lucie Kosmala